Je vois une enfant, assise sur le rivage. Elle a les yeux plein d’eau, et ce qu’elle voit, ce qu’elle est seule à voir, semble la bouleverser. Sa respiration est douce comme celle d’une grand-mère qui aurait tout vu, tout vécu. Son souffle, déjà, est celui de l’artiste qui façonne un monde à partir de bouts de rien, qui prend diverses pièces du puzzle qu’est notre vie pour les réaménager ensemble, leur redonner du sens et de la valeur.
Il y a un an, me raconte-t-elle, la mer a ramené une baleine, juste là. Elle l’a redonné aux gens, comme un symbole. Elle avait le cœur gros comme l’océan, et tous les humains qui l’ont vue ont dû se recueillir devant tant de grandeur. Cette grand-mère baleine qui portait en son sein tous ces gens qui la regardaient.
L’enfant est revenue aujourd’hui, un an jour pour jour, la saluer.
Elle revient lui rendre hommage, lui faire honneur.
Parce que c’est tout ce qu’elle a le pouvoir de faire, avec ses petites mains.
Je t’entends, te vois, petite fille.
Un jour, tu recevras mon appel.
Un jour, je viendrai chez toi.
Maryse Goudreau envisage la mémoire, la transmission du savoir, comme une arme contre l’insouciance et la désolidarisation. Dans son travail, c’est moins l’oeuvre elle-même que la prise de vue, que la rencontre qui entoure cette oeuvre, qui l’intéresse le plus. Pour Le chant des pistes, elle s’intéresse au phénomène des baleines échouées aux Îles-de-la-Madeleine et aux os conservés. Elle invite également les Madelinots, le 22 juin, à une prise de vue collective au Musée de la mer.