Marche.

Qu’y a-t-il au départ? Une tension musculaire. En appui sur le pilier d’une jambe, le corps se tient entre terre et ciel. L’autre jambe? Un pendule dont le mouvement part de l’arrière : le talon se pose sur le sol, le poids du corps bascule vers l’avant du pied, le gros orteil se soulève, et à nouveau le subtil équilibre du mouvement s’inverse, les jambes échangent leur position. Au départ il y a un pas, puis un autre et encore un autre, qui tels des battements sur la peau d’un tambour s’additionnent pour composer un rythme, le rythme de la marche.

Rebecca Solnit, L’art de marcher.


C’est ainsi que l’aventure commence : avec un premier pas.

Il y a ces artistes qui arrivent, les souliers attachés ou détachés, avec ou sans semelles. Ces artistes qui arrivent dans leurs bottes neuves ou leurs souliers usés, et qui viennent principalement faire une chose : marcher. Ils ont marché ailleurs, ont marché les Maritimes, la Manche, les Îles parfois. Mais ils viennent ici nous marcher de long en large. Marcher au sens large.

Et comme le fidèle gaboteur que je suis, je veux marcher aussi. Je veux marcher dans leurs pas, les suivre à la trace. Du sentier évasif de la pensée au chemin concret du territoire qu’ils abordent, je veux enfiler mes souliers. Car la marche n’est pas que déplacement, pas que mouvement dans l’espace. Elle est aussi – c’est Marie-Line Leblanc qui me le rappelle – dérive dans le texte et l’hypertexte, dans le voyage infini des idées qui se multiplient, s’enfantent, se généalogisent.

 

 

 

 

Combien de fois marchons-nous dans une journée?
Et je ne parle pas seulement de déplacements…

Combien d’errances, de balades intérieures, de parcours, de chemins, de sentiers suivons-nous?

Ne disons-nous pas que nous sommes sur la bonne ou la mauvaise voie? Que les événements se mettent en travers de notre chemin? Qu’un tel ne connaît pas la route à suivre? Que tel autre est perdu dans sa vie ou qu’il a fait un faux pas?

 

 

 

 

Toujours nous marchons, nous marchons, nous marchons. Habités par l’art, marcherons-nous davantage? Car marcher n’est pas que marcher. Marcher est aussi respirer, prendre le temps et l’espace. Marcher, c’est découper un morceau de temps dans ce qui nous est imposé pour sortir des sentiers battus.

Pour errer, au sens fort du terme : se déplacer sans savoir vraiment où ça va nous mener.

Un peu comme tous ces artistes qui arrivent ici, le pas léger. Ils arrivent ici un peu sans savoir, avec l’intuition d’une route, avec une certaine conscience des jalons, des limites, des voies permises et interdites… 

Et ils vont joyeusement cabrioler d’une limite à l’autre, d’une borne à l’autre, d’une aventure à l’autre.

Car marcher doit être une aventure.
Comme l’art, d’ailleurs.
Sinon à quoi ça sert?